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Par Isabelle Escapade le 13 Juillet 2014 à 11:39
Comme diraient les Inconnus... Je vous raconte pas cette nuit d'enfer dans ce ferry archi-plein ! Si, je vous raconte ! J'ai failli en manger plus d'un !!! Mais c'est quoi ces gens qui peuvent pas s'endormir sans la TV à fond et la lumière allumée !? Bababaou, moi, je peux pas ! Du coup, j'ai pas fermé l’œil de la nuit alors que le minot a dormi comme un bébé... Il est frais comme un gardon quand on arrive au port et moi, je suis aussi fraîche que le poisson qu'on réveille à l'eau de mer, quelques jours après l'avoir pêché ! Heureusement, la splendeur du petit matin qui se lève, efface un peu les boufaillisses de la nuit...
Pas trop le temps de se lamenter sur la nuit. Deux gars solides sont déjà sur leurs chevaux à moteur à nous attendre de roues fermes ! Zou ! Après le tangage, le tape-tafanari, à nouveau sur des routes toutes escagassées.
Mais on rigole bien quand même car même si c'est épique, après le confinement du bateau... prendre de l'air sur un scoot, ça fait trop du bien !
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Trente minutes plus tard, on arrive dans un village puis dans une maison. Là, la franche vérité, je sais pas où on est, je sais pas qui sont ces gens, tout ce que je sais, c'est que je veux un café noir et me manger quelque chose, mon estomac me fait trop mal. On verra les présentations après que je me dis très pragmatique. Et c'est comme si tout ce monde qui grouille autour de nous avait entendu mon appel ! Le café tout chaud m'arrive sans que je demande rien et une méga-crêpe au sucre le suit de près ! Tout ce qu'il me faut pour rebrancher les fils de cette nuit de folie...
Au fur et à mesure que je mange et que je bois, ma langue et mon cerveau étant à nouveau synchro, je comprends que nous nous trouvons dans le village de MUNTAI, que ce village est peuplé de Mentawaï... dé-junglanisés... Voui, 'faut que je vous fasse un petit cours d'histoire car sans, vous n'allez rrrien comprendre et ce serait dommage !
Comme vous le savez l'Indo couvre un immense territoire de 17 000 îles et c'est pas sûr qu'il n'y en ait pas plus ! Pour faire l'unité de ce pays aux multiples langues et cultures, il faut s'appuyer sur quelque chose, ils n'ont pas trouvé mieux que les religions ! Les cinq religions officielles étant : Islam, Christianisme, Protestantisme, Bouddhisme et Hindouisme. Les animistes et autres Dieux... sont exclus de ce panthéon. Ne me demandez pas pourquoi les gouvernements Indonésiens successifs se sont toujours évertués à tuer toutes ces croyances, je n'arrive pas à le comprendre mais c'est un fait. Beaucoup de communautés ont été délocalisées par force ou en douceur. Pour les Mentawaï, ce que je comprends, c'est qu'on leur offre des maisons gratuites dans ces villages construits autour d'églises ou mosquées et qu'on offre surtout l'Education gratuite à leurs enfants... Du coup, beaucoup acceptent de quitter la jungle, d'abandonner leur clan pour un meilleur confort, un meilleur avenir pour leurs enfants mais le résultat c'est qu'ils parlent alors l'Indonésien et qu'au fil du temps ils oublieront leur langue propre et perdront leurs us et coutumes... Pour vous dire combien les deux langues sont différentes, ici, Bonjour se dit ALOITA ! Rrrien à voir avec l'Indonésien SELAMAT pagi, sian, ... Bref, tout ça pour vous dire que dans ce village, ce sont des Mentawaï sortis de la vraie jungle, c'est du moins ce que je comprends après mon deuxième café ou peut-être le troisième...
Les fils rebranchés, je comprends que notre guide local sera Saroul. Un bel homme qui me fait penser à mes Indiens d'Amazonie. Il a le regard profond, ne me dit pas grand chose et je crois bien qu'on se jauge tous les deux ! C'est de bonne guerre, pas vrai !?
Puis, on comprend que nous sommes dans la famille du patriarche chez qui nous allons, un nommé Coukie... Le nom nous fait sourire le minot et moi mais au point de fatigue où on est, TOUT nous fait rire ! Après ce bienvenu petit déjeuner, le minot s'installe sur une chaise en mode "coincé"... je savais que ce serait dur pour lui... mais à ce point, je pensais pas ! Taratata, je vais pas m'emboucaner avec ses coinçades, je suis là pour apprendre et j'ai bien l'intention de communiquer, moi !!! Que je lui fais en prenant la direction de la cuisine, là où tout se passe en règle général ! Là, je rencontre une petite dame très sympathique avec qui de suite, ça accroche ! Elle parle aussi bien l'Anglais que moi l'Indonésien mais c'est pas grave, on se comprend a'que les mains, les sourires et les rires, toujours très sonores de mon côté ce qui la fait encore plus rire !
La maison est composée de plusieurs petites pièces, toutes très rustiques, pas de meubles, pas de lit mais des matelas à même le sol, une grande pièce où trône le mandi et un toilette à la turque comme de partout ici. C'est très sommaire mais tout est pratique, moi qui déteste le ménage... ça m'irait très bien ! La maison grouille de monde, ça rentre, ça sort, et de nulle part nous surgit toute une équipe de rugby de Salon de Provence et Eguilles ! Si, si ! 'Faut le faire, pas vrai !? ça fait 6 jours qu'ils sont là et ils nous mettent de suite le feu dans cette maison. ça déride un peu le minot qui se décoince un peu... C'est pas trop tôt !
Au bout de deux heures dans cette maison, on connait tout le monde, on ne retient aucun prénom, les Français partent en scooter, on se retrouve avec nos deux guides, Bambang a la guitare et Seroul toujours aussi mystérieux, le regard lointain... Dans une heure on embarque sur une pirogue direction la jungle, il me tarde !
Afin de redonner un peu le sourire à mon fils, on se fait une petite balade dans ce village très bucolique...
Les panneaux indicateurs de chemins à suivre en cas de tsunami, ne rassurent pas du tout mon Mistoulin... Il n'arrête pas de me dire "Mais dans quelle galère tu vas encore m'entraîner !!!???" Bé voui ! Moi, j'aime les galères même si je sais pertinemment que je vais moi aussi en chier, comme disait mon père ! Les chats ne font pas des chiens, c'est bien connu... !
Quand vient l'heure d'embarquer... le Mistoulin ne dit mot mais n'en pense pas moins ! 'Faut dire que la pirogue est TOUT sauf confortable ! Une simple planche de bois dans le fond, aï aï les amendons, heureusement que j'ai pris quelques kilos cette année sur le tafanari, ça amorti bien les choses !
Nous voilà partis pour deux heures d'inconfort total mais de sublimissime à se manger des yeux ! Des arbres si grands qu'ils touchent le ciel, des arbres si différents qu'aucun ne semblent pareils, le bruit du moteur berce le chaloupement, je ne plane plus à 2000 mais à 10 000 d'altitude ! C'est trop beau que j'arrête pas de dire au minot assis devant comme un stoge, à Saroul derrière, tout aussi stoïque !
De temps en temps, on s'en fume une tous les deux, notre premier vrai contact le briquet qu'on se passe de main à main par dessus l'épaule ! De temps en temps on passe devant des maisons qui semblent inhabitées, on les appelle des Umas, petites ou grandes selon les familles me dit mon guide en me rendant mon briquet.
Puis on quitte la large rivière pour de plus petits cours d'eau... Les guides descendent parfois pour dégager le passage, ça devient de plus en plus sombre sous les branches, on a comme qui dirait l'impression de pénétrer dans l'antre de la Terre, dans ce poumon vert de notre planète, les odeurs, les bruits, tout est mystère et magie. Je comprends que dans un tel environnement on puisse se être Animiste...
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Et puis soudain la pirogue s'arrête. Pas d'autre choix que de mettre les pieds dans l'eau ! Devant nous... de la boue... de la boue... rrrien que de la boue ! Les Français auraient pu nous dire d'acheter des bottes quand même !!! Nos chaussures de marche ne servent de rrrrien du tout qu'on se dit au bout de seulement deux minutes !
Zou ! C'est parti pour... la franche vérité, on sait pas ! C'est tellement difficile de marcher dans cette gadoue qu'on se concentre sur nos pas en perdant totalement la notion du temps... J'arrive quand même de temps en temps à prendre en photos des petites merveilles de couleurs au milieu de tout ce chocolat qu'on se traîne jusqu'aux mollets !
J'arrive à éviter le grand plouf chocolaté... mais pas le minot !
Peuchère de lui... tout cracra...
Petit Lexique Mentawaï (Phonétique)
Bonjour................................. Aloita Merci.......................... Masoura Bagata
Non...................................... Taa Au revoir..................... Maïenkaï
Oui....................................... Han Han
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