Nous sommes tous les matins réveillés par les chants d'oiseaux et tous les autres bruits de la jungle. Plus besoin de réveil, on a pris un rythme de croisière. Le seul problème, c'est qu'on est si bien dans notre petite maison qu'on a du mal à en sortir ! Le petit déjeuner s'éternise devant les petits écureuils et les vapeurs d'encens... Trop trop bon ! 

Mais la météo est toujours aussi peu clémente. Le ciel est gris vers Agung que nous n'avons pas encore vu et un plus clair vers la mer. Ce n'est donc pas aujourd'hui que j'irai me plonger dans les eaux sacrées de Tirta Empul... Je n'ai pas envie de m'encaper la petite angine et Marc tousse assez pour deux. On dirait qu'il a comme une bronchite... 

Comme ça fait des années que je veux voir le Green Village et que je n'en ai jamais eu l'occasion, on décide d'y consacrer notre matinée puis de se rendre à la cascade de Tegenungan que j'avais tant aimée il y a quelques années. Les réservations du Green village ne se faisant qu'en ligne, on s'occupe de ça rapidement en choisissant la formule la moins chère qui coûte déjà un bras, 270 000 roupies par personne (16€).

J'avais vu des photos impressionnantes de ce lieu, oeuvre d'un Canadien écologiste, fou de Bambous et de bijoux. Ne me demandez pas le lien, il ne doit pas y en avoir !

On s'arrache alors de notre jolie terrasse et on enfourche nos chouchous pour 30 minutes vers le Sud. Comme toujours ici, le lieu semble improbable. Le chemin qui y mène est un peu défoncé mais on arrive assez vite à une barrière surveillée par toute une flopée d'Indonésiens en sarong. On leur dit qu'on nous attend pour une visite, ils nous indiquent le parking des visiteurs et nous descendons de nos montures tout en allumant une cigarette.

Le "Halte là" se fait aussitôt retentir... nous sommes en Terre Écologique !  Nous n'avons pas le droit de fumer sur le parking, il faut nous rapprocher de la barrière, pour ce faire ! Le ton n'est pas sympathique, d'entrée ! Nos cigarettes éteintes, on nous invite à entrer dans ce curieux village tout barricadé de bambous...

Puis on arrive à une espèce réception où un jeune homme à l'anglais parfait nous accueille. Il ne semble pas avoir l'envie du tout de nous guider, nous sommes les seuls visiteurs et il est très occupé à rire avec ses collègues les réceptionnistes ! Il nous invite à nous asseoir dans ce qui semble être un restaurant en plein air où s'affaire tout un tas d'employés, un verre de bienvenue nous y attend... Mais force est de constater que rien ne nous attend... Alors on attend sagement un certain temps. L'endroit est superbe, piscine, statues, meubles design en bambou... c'est très très beau mais... on se sent un peu comme un cheveu sur la soupe...

Le verre de bienvenue arrive enfin servi par une femme, elle aussi, peu sympathique. On a vraiment l'impression que tout ces gens n'ont aucune envie de travailler... ça commence à m’irriter un tantinet. Le verre en question est un thé à la cannelle et je déteste la cannelle... Quand je demande s'il est possible de le remplacer par un café, j'ai droit à un café mais froid et servi avec contrariété... Mais où sommes-nous !? Zen...

Puis le jeune homme de la réception vient enfin nous rejoindre et nous invite à le suivre. Il nous explique que nous allons visiter trois maisons du village mais que nous ne verrons pas la fabrique de Bambou parce que c'est Dimanche. ça nous fait immédiatement penser à la plantation de thé sur Java où la fabrique ne fonctionnait pas du tout non plus. Sauf, qu'on paye la visite au même prix... et ça, c'est pas très fair play ! Une heure de visite va donc sauter qu'on se dit, en suivant le jeune homme qui court comme un fada certainement pour que la visite ne s'éternise pas ! 

Bababaou ! ça va pas le faire ! 

Stop ! Que je lui fais un chouïa énervée ! Je suis venue pour prendre des photos, alors on va prendre mon rythme, tranquillou tranquillette, vu qu'on a une heure qui saute, ok !? De suite, le jeune homme se calme et ralentit la cadence. C'est malheureux d'en arriver à hausser le ton mais c'est comme ça.

Nous comprenons très vite que nous sommes dans un village de milliardaires en mal de vert. 18 maisons composent le village et quelles maisons ! De luxueuses résidences secondaires, totalement isolées du monde Balinais. L'architecture est magnifique et s'intègre parfaitement à l'environnement mais ça fait tout de même ghetto pour riches qu'on se pense fortement.

Il faut une année pour construire une maison standard de trois ou quatre chambres avec piscine et jardinet.

Nous visitons la première et découvrons un monde incroyable... Tous les matériaux utilisés sont nobles et beaux. Le plus petit détail est pensé, les prises électriques, les interrupteurs...

La cuisine est au rez-de-chaussée, ouverte sur la jungle, au dessus de la rivière, c'est vraiment magnifique. La piscine est sur le même niveau et on passe de l'eau à l'air en un seul regard.

Les chambres sont toutes à l'étage et chacune possède une vue à couper le souffle. Les propriétaires n'y vivent que quelques semaines par an, les maisons sont régulièrement nettoyées et nous visitons celles qui sont inoccupées.

On visite ensuite, la seconde, un peu semblable à la première. On apprend qu'il y a trois sortes de bambou, le jaune, le blanc et le noir. On apprend aussi que l'argent des visites est en totalité reversé à une école privée mais ouverte aux propriétaires comme aux Indonésiens...

Toutes ces maisons inhabitées, nous laissent quelque peu perplexes mais on continue la visite avec la dernière maison qui pour nous, est la plus belle. Même la chambre d'amis au fond du jardin nous conviendrait ! 

Elle fait face à la maison et à la piscine. Le terrain ne donne plus sur la rivière mais sur le jardin luxuriant qui est beaucoup plus grand que pour les autres maisons et l'accès tout de même plus facile de plein pied.

Tout ici est luxe, calme et volupté... Enfin, pour ceux qui aiment à rester isolés de tout et surtout de la réalité... En fait, on se croirait entre les pages feuilletées d'un magazine de décoration d'intérieur "Esprit Bali" !

Quand on apprend que dans sa propre maison, le milliardaire propriétaire n'a pas le droit d'y fumer... on se dit que nous sommes vraiment dans un monde... à part ! On imagine qu'il y a certainement d'autres règles à suivre dans ce vase clos et même si on aime la Nature et l'Ecologie, la liberté de faire ou de ne pas faire dans sa propre maison est trop importante pour nous. Nous n'adhérons pas du tout au concept même s'il est très beau.

Nous ne regrettons pas notre argent car les lieux valent vraiment le coup d’œil mais on sort de là, un peu pensifs... On se rend d'ailleurs à la rivière, histoire d'en parler, hors les murs de ce paradis pour riches écolos tout en fumant notre petite cigarettes plus du tout interdite.

La cigarette envolée en fumée, nous reprenons la route pour la Cascade de Tegenungan que je n'ai pas revue depuis très longtemps. On met Monsieur GPS en route, qui nous annonce 20 minutes de route. Vroum, vroum, nous voilà partis.

Mais au bout d'une heure de route... on se retrouve à nouveau devant le Green Village ! C'est quoi ce binz !? Bababaou ! Rien ne vaut mes vieilles cartes ! Elles ne m'auraient jamais ramené à mon point de départ ! C'est une merveilleuse invention mais qui a ses limites ! Zou, on se remet en selle avec des popotins déjà bien mal en point et on essaye de feinter Monsieur GPS qui n'a pas l'air de tout comprendre des routes indonésiennes ! 

Quand on arrive enfin... je ne reconnais rien ! Où est mon allée de cocotiers !? Où est ma gargote où on admirait déjà la cascade de loin !? Et pourquoi ma cascade s'appelle à présent "Blangsinga" !? 

Et c'est quoi cette cabane à pagare !? 10 000 roupies, c'est rien... mais c'est pas ma cascade ! Et c'est quoi toutes ces infrastructures !? Restos en bambou, piscines à débordements, musique... !?

Où est ma cascade, toute sauvage, toute propre, toute belle !?

C'est pas possible... Monsieur GPS s'est trompé !

Aucune explication n'est donnée... ni sur le lieu que je ne reconnais pas, ni sur le changement de nom. On paye et on entre... je suis totalement perdue. Et, quand j'aperçois un cœur de fleurs sur le sentier qui descend et des nids d'oiseaux pour humains... j'ai l'impression d'être à nouveau dans un parc d’attractions à la Javanaise avec des check point à selfies ! 

C'est d'un ridicule profond... et c'est pas terminé ! Je vais de surprises en surprises... Des balançoires à selfies payantes, des pancartes à louer pour faire des photos sur des cœurs en béton posés sur l'eau, des transats, des escaliers de fer, des passerelles d'une rive à l'autre, des surveillants talky walky en main, des pin-up en string... Ma pauvre Déesse de l'eau doit être totalement effarée devant tant de conneries humaines ! Je comprends pourquoi les Dieux sont en colère ! Bali est en train de vendre son âme aux démons.

Pas besoin de vous dire que je suis... assommée. Je ne comprenais pas pourquoi Monsieur GPS nommait ce lieu, "Attraction"... je comprends tout à présent.

Avant de descendre jusqu'au pied de ma cascade puisque j'ai enfin compris que c'est bien la même mais que nous nous trouvons sur la berge opposée à celle que je connaissais, on se prend un coca sous la paillote d'une vieille indonésienne qui comprend mon état. Il me faut un certain temps pour imprégner tous ces changements. Marc comprend ma déception mais il n'a pas les souvenirs que j'ai de ce lieu avec mon Mistoulin... un lieu pur et sauvage...

Un peu remise de ma déception, on attaque la descente mais je m'attends à pire encore...

Les énormes rochers qui étaient proches de la cascade ont été déplacés plus loin afin de faire une plage avec transats...

Le tout petit temple et ses bains qui étaient en contrebas sont toujours là mais les bains sont à présent des piscines municipales...

Et, comme je veux en avoir le cœur net, nous montons sur l'autre versant, où là, nous attend une autre surprise ! 

Une autre entrée, celle que j'ai toujours connue... Même cascade, deux noms différents, deux cabanes à pagare ! Tegenungan étant à 15 000, 5 000 roupies de plus qu'en face ! Je comprends que Monsieur GPS en perde les pédales ! C'est du grand n'importe quoi.

Quand on veut redescendre et revenir à notre point de départ, on veut nous faire repayer l'entrée ! Si ça c'est pas de l'arnaque !? Je suis toujours indulgente avec les Balinais car ils ont toujours l'art et la manière de nous embobiner mais avec le sourire... mais là, c'est moi, qui ne sourit plus. On tourne les talons, il n'est pas question de payer et personne ne vient nous obliger à le faire ! Je crois qu'on doit lire sur mon visage qu'il ne faut pas venir me chercher !

Donc, un conseil, si vous venez par ici, passez par notre chemin, c'est à dire par le haut de la cascade et ne passez pas de l'autre côté de la rivière, il vous en coûtera deux entrées ! Le cadre est toujours aussi beau, si vous ne le connaissiez pas avant, vous trouverez certainement tout, merveilleux... A vous de faire votre opinion ! La mienne est faite ! Plus jamais, si je découvre un lieu par ici, je ne divulguerai son nom ni sa localisation. Il restera secret. Que les voyageurs, voyagent et découvrent la Magie de cette île par le fait du hasard et de la persévérance. Que les touristes se gargarisent de lieu aménagés pour eux ! Je me sens de plus en plus responsable de la destruction de mon île refuge... 

C'est un peu décontenancés qu'on quitte les lieux... et qu'on rentre sur Ubud... au pays des Dieux contrariés.