5h15 du mat' le réveil sonne et j'ai les yeux encore tout bordés d'anchois. Je sais pas ce qui m'arrive cette année mais y'a rien à faire, je peux pas m'endormir avant minuit et j'ai les billes ouvertes dès que le soleil pointe son petit bout de rayon... Du coup, je dors très peu mais ce matin, c'est vraiment trop peu !

Quinze minutes pour enfiler les pantaluches, Pépère est déjà au garde à vous. Sans faire de bruit je descends l'escalier pour me retrouver dans un noir le plus total ! Heureusement que j'ai un stylo qui fait torche, j'évite de justesse les deux compères veilleurs de nuit qui ont installé des lits pliants dans le hall d'entrée. Je vous dis pas comme ronflent les bienheureux ! Qué misère de devoir les réveiller ! Mais j'ai pas trop le choix, mon taxi va arriver et les grilles sont fermées à clef. Mais j'ai bien du mal à secouer au moins un des ronfleurs !  ça dort bien mieux que je ne le fais depuis 16 jours ! Tant bien que mal et parce que le taxi klaxonne déjà, je suis dehors et m'engouffre dans le taxi. J'ai déjà préparé les 55 Ringgits (12€) prévus la veille et j'espère que ce driver-là, va pas me faire d'entourloupe. Mais non ! 20 minutes plus tard, je suis devant l'aéroport et le prix fixé n'a pas bougé.

J'enregistre fissa gros Pépère, histoire de m'alléger un peu, j'ai trente minutes avant l'embarquement, je file boire mon petit noir qui j'espère va me réveiller pour de bon !

L'aéroport de Penang est vraiment tout petit mais assez joli et bien conçu. Pas de perditions possibles, signalisations impeccables et des toilettes très propres avec même du papier ce qui est souvent un luxe par ici !

J'ai juste le temps de fumer ma dernière cigarette et je suis déjà sur le tarmac devant un avion à hélices comme je les aime.

J'ai pas le temps de m'asseoir qu'on est déjà arrivé ! 50 minutes de vol, c'est très court ! Les bagages arrivent très vite aussi, je me dis qu'à ce rythme là, je vais peut-être arrivée à Terenganu en début d'après-midi comme je ne l'avais pas prévu...

Petit passage à l'ATM parce qu'après Terenganu , je veux partir sur les îles et les îles y'a pas pire pour se trouver à court de liquidité et j'achète ma course en taxi, dans l'aéroport. C'est le plus sûr moyen de ne pas se faire avoir par ces Penchuris de drivers ! 30 Ringgits jusqu'à la gare routière soit 7 euros et j'ai même pas le temps d'attendre, tous les passagers de mon vol ayant déjà quitté les lieux, je suis seule devant une longue file de voitures-taxis.

"Saya mau ke Sentral Bus Station" que je lance au chauffeur parce qu'il faut que je me remémore un peu mon Bahasia de base avec ma mémoire de poisson rouge ! ça le fait beaucoup rire, il est jeune et très sympa. Pour une fois que je tombe pas sur un bourru têtu ventru, tout va bon que je me pense en regardant défiler le paysage qui me surprend.

La ville est grande et se déploie en larges artères, de grands bâtiments tout neufs, ce n'est pas du tout ce que je m'étais imaginé... J'ai lu tant de choses négatives sur cette ville : l'Islam très rigoureux, les caisses des magasins pour femmes, pour hommes, le port du voile obligatoire, les regards pas sympas sur les occidentales et j'en passe et des meilleures... Pour l'instant, je croise les doigts mais tout se passe plutôt bien.

Quand 20 minutes plus tard, le chauffeur me lâche à la gare routière, elle ressemble à toutes les autres. Des quais, du monde, des counters où acheter les billets et j'ai pas trop le choix, seule la Transnationnale fait le trajet Kota Baruh/ Terenganu. 

Zou ! 17 ringgits (3€60) de bus payés mais deux heures d'attente jusqu'à ce qu'il arrive ! Aï ! Et je vais faire quoi, moi, dans cette endroit où à 9h du mat' tout est fermé et encore plus un vendredi qui est chômé !? Heureusement, il y a un dépose bagage et pour 2 Ringgits (0.40 cents), j'abandonne gros Pépère qui pourtant pèse moins lourd ici car il fait presque un peu frais, avec 25°C. J'aurais presque froid... Si, si ! Quand je vous dis que j'aime que les grosses chaleurs ! 

Avec bébé sac à dos tout devient plus facile et je reprends mon optimisme légendaire. J’arpente un peu les trottoirs, histoire de repérer les lieux mais tout est vraiment fermé de chez fermé. Qué misère ! ça va vraiment être long ces deux heures d'attente, que je me pense tout en persévérant... En plus, tout le quartier est branché sous haut-parleurs et l’Imam de la mosquée d'à côté hurle comme un fada ! Je sais pas ce qu'il raconte mais c'est très agressif pour un matin bien fatigué.

Le tour de pâté de maisons fait, j'aperçois au bout d'une rue des chapiteaux qui semblent indiquer un marché. Qué chance que je me dis ! Je vais peut-être pouvoir occuper mon temps à faire de belles photos.

Et c'est tout gagné ! Un beau marché s'étale sur les kilomètres de cette rue. Il commence bien entendu par les étals de street food et ça sent bien bon dans les gamelles même si à 9h du matin c'est pas trop fait pour mon estomac, habitué aux petites gâteries sucrées.

Je passe ainsi d'étal en étal, des fruits aux légumes habituels, des vêtements pour femmes voilées et pour hommes qui s'occidentalisent mais aussi des marchands de parfums, des vendeurs d'un peut tout et rien mais que de beaux visages et donc de beaux portraits pour moi.

Les gens sont charmants et me demandent souvent de les prendre en photos. Sur ce marché aux mille petits produits, je trouve ces petits gâteaux chinois saupoudrés de grains de sésame que j'adore et j'en achète pour le bus. Les vendeuses ont toutes le sourire et je n'ai pas un seul regard désagréable sur moi. Décidément cette ville me surprend dans le bon sens.

Y'a même un espèce de docteur qui s'occupe des diabétiques. Il mesure leur taux de sucre puis leur prescrit je suppose des trucs et des machins que je comprends pas trop bien. Mais y'a du monde au portillon qui attend de prendre place sous son parasol.

Et quand j'arrive en bout de cette rue et que je m'apprête à faire demi-tour... je tombe sur une merveille, celle que les photographes recherchent mais qu'on ne trouve pas toujours... Une ruelle et tout un quartier orné de Street Arts... Au fil des murs, je comprends qu'il s'agit de la guerre en Syrie. Les gens sont fiers de tous ces murs et me guident vers un mur ou vers un autre. Ils veulent que je photographie ce qui semble être leur fierté.

Est-ce un quartier de Syriens !? J'en sais trop rien mais je vous dis pas comme l'appareil fume surtout que les gens se prêtent au jeu et me laissent les photographier sous ces dessins, tous magnifiques.

Dans ces cas-là, le temps passe très vite et il est moins une que je rate mon bus déjà près à partir ! Moi qui ne voulais pas m'arrêter ici... j'en aurais presque le regret. Je récupère fissa gros pépère et je m’engouffre dans mon bus vers Terenganu . 

Confortable et peu rempli, je suis la seule occidentale au milieu d'une quinzaine d'hommes tous surpris de me voir dans ce bus. 'Faut dire que les touristes se rendent en masse vers les îles Perhentian et je n'y vais pas. Une heure de bus plus tard la Mistouline a depuis longtemps sombré dans les bras de Morphée... Je suis épuisée, je manque de sommeil et je commence à trop tirer sur la corde.

Le temps tourne au vinaigre quand je descends dans cette gare routière de Terengganu qui ressemble, elle aussi, à toutes les autres... De suite, je suis encerclée par des chauffeurs de taxis mais comme d'habitude, je file m'installer sur un banc, allume ma cigarette et consulte mon Routard, histoire de les faire un peu patienter et de reprendre mes esprits dans ces lieux inconnus. A la question "Where are you going ?"... et que je réponds de "Yellow house"... dégun connaît ! Bé ça commence bien que je me dis en relisant mon Routard qui dit tout le contraire ! Y'a des fois, je me demande s'ils vont vraiment dans les lieux qu'ils commentent !

Et puis l'un des chauffeurs m'annonce qu'il peut m'y mener pour 20 Ringgits (4€)... 15 ! Que je lui réponds ! 'Faut pas pousser mémère dans les orties, y'a que trois kilomètres ! Zou ! Affaire arrêtée. J'assoie gros Pépère sur la banquette arrière, plus confortable pour lui  

Et nous voilà dans ce taxi qui s'éloigne du centre ville, passe la rivière et nous mène enfin sur une île... Enfin,... c'est ce qu'il y a de marqué sur le Routard mais la franche vérité, ça ressemble à rien sous ce ciel lourd qu'il va nous tomber la grôsse chavane que je veux pas !

Et on tourne, et on tourne ! En fait, mon chauffeur ne sait pas du tout où il m'emmène et je me dis "Mais que suis-je encore venue faire dans cette galère !?" Je suis venue voir le peintre Chang Fee Ming et il n'est même pas en ville ! J'ai appris hier soir qu'il était sur Bali, le comble de la malchance ! 

Trente minutes plus tard, on est toujours en train de tourner en rond sur cette drôle d'île... en train de demander à tous les Pincou qu'on croise s'ils connaissent ma guest introuvable au milieu de lieux totalement improbables...

On est finalement obligé de téléphoner au patron de la Guest Awi's Yellow House pour qu'il vienne nous chercher ! Le monsieur en question arrive presque aussitôt sur son vélo, cheveux longs, baba-cool Malaisien, pas très causant alors que la pluie commence à tomber. L'accueil est inexistant et l'endroit semble totalement abandonné...

Mais dans quelle galère me suis-je encore fourrée !? Il me montre très vite un bungalow sur l'eau, les cordes commencent à tomber, l'électricité est plus que dangereuse, les planches de bois semblent en piteux état, je suis au milieu de nulle part et j'ai pas trop le choix ! Il faut que je passe au moins une nuit ici. 25 Ringgits (7€) que me fait le patron, pressé de rentrer chez lui. Mais c'est quoi cet endroit !? Le patron ne vit pas sur l'eau avec ses hôtes !? Bé, non ! Que je comprends, le voyant s'éloigner rapidement.

Grand moment de solitude quand je me rends compte en refermant les deux planches de bois qui servent de porte derrière moi qu'il n'y a pas de verrou, de clef, de cadenas à accrocher et que n'importe qui peut entrer par la rivière et la terrasse ou par l'entrée de ce semblant de village sur pilotis puisque le patron et son épouse habitent à 5 minutes à pied et qu'ils viennent rarement ici, me confirme une jeune Hollandaise perdue ici depuis deux jours. 

Je m'installe tant bien que mal, bataille avec l'électricité qui part en couillettis grave ! Et comme d'habitude... pour dédramatiser la situation... j'éclate de rires toute seule en entendant les clapotis de la pluie et sur le toit qui fuit et sur la rivière qui déborde et je fais ma fadade... devant l'appareil... ça détend, si Si ! Je voulais ma cabane au bord de l'eau, je l'ai ! No souçaï ! 

Puis, je tente une petite sortie jusqu'à la cuisine... abandonnée elle aussi où il pleut au travers d'un toit peu entretenu, comme le reste, d'ailleurs...

Mais le comble ! Vous savez quoi ? Bé y'a pas d'internet ! Mais que suis-je venue faire dans cette galère me dis-je et me dis-je encore, terminant par piquer un sieston réparateur dans ma cabane en bois où l'eau me berce comme un bébé.

Reposée et la pluie ayant un peu faibli, je retrouve le patron dans la cuisine qui passe un coup de balai. Je me dis que c'est pas du luxe et qu'il doit commencer à avoir un peu honte des lieux. Je le trouve également plus sympathique et plus causant. Il a du se rendre compte tout à l'heure, de ma déception et de ma colère rentrée quand je l'ai vu se carapater, m'abandonnant dans ce lieu quasi désert sous une pluie battante !

Le voilà qui me prépare un thé, m'indique le plus proche Mini Market pour faire quelques courses et m'explique que sa maison m'est ouverte si je veux me connecter à Internet, chez lui. Enfin, un peu de convivialité !

Je m'empresse d'aller faire mes deux trois courses, du style du papier toilette et de quoi déjeuner demain matin et j'ai l'agréable surprise de tomber sur tout plein de stands de nans, de rotis et autres plats culinaires tout préparés, sur la petite place du village. Super, je vais pouvoir manger dans cette cuisine ouverte aux quatre vents, à présent que la pluie semble s'être définitivement envolée.

Reposée, repue et lavée de toute cette longue journée, je pars chez mon hôte, à 5mn à pied et suis accueillie par son épouse, vieille Dame Française installée ici depuis 40 ans. Je suis actuellement sur leur terrasse, devant un bon café décaféiné pour que la Mistouline puisse récupérer encore un peu de sommeil cette nuit et mon premier gecko vient de chanter... Si tout à l'heure la Vie était un peu en mode "Déprime"... ça va beaucoup mieux et demain est un autre jour !

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